La décision de lever des fonds : quel timing, à qui s’adresser ?
Avant toute chose, la première question à se poser est de savoir s’il s’agit du moment idéal pour réaliser une levée de fonds.
En effet, il existe différents types de levée de fonds, ou plus exactement, différentes étapes de financement de votre entreprise, en fonction de son stade de maturité. Ce facteur de croissance va aussi influer sur les interlocuteurs financiers que vous êtes susceptibles de solliciter.
Au commencement de votre projet, il vous est possible de bénéficier de différentes aides à la création d’entreprise. Cela va vous permettre dans un premier temps de constituer votre société et de faire mûrir votre projet entrepreneurial ou de lancer les premiers développements de votre futur produit. Statut de jeune entreprise innovante (JEI), bourse French Tech ou encore prêt d’honneur de la BPI sont autant d’aides financières auxquelles vous pouvez prétendre.
Toujours dans la phase de création de leur entreprise, les entrepreneurs se tournent généralement vers leurs proches et leurs connaissances pour réunir les premiers fonds nécessaires pour se lancer, c’est ce qu’on appelle la « love money ».
Passé ce stade préliminaire, des investissements en recherche et développement sont souvent nécessaires pour développer le produit. Il s’agit de la phase d’amorçage et c’est généralement à ce moment-là que les business angels, family offices et plateformes de crowfunding peuvent s’avérer utiles.
Votre première levée de fonds peut être réalisée pour répondre aux besoins de cette phase d’amorçage, c’est ce qu’on appelle le « seed ».
Bien sûr, cette recherche de « capital amorçage » pour financer votre démarrage n’est possible que si vous avez un projet innovant à fort potentiel de croissance qui nécessite un investissement important. La levée de fonds en seed permet de lever en moyenne 500.000 à 1 million d’euros.
Point de vocabulaire : Les business angels désignent des investisseurs individuels agissant en leur nom alors que les family offices sont des groupements de familles fortunés. Quant aux plateformes de crowfunding, ce sont des investisseurs individuels également, qui investissent des sommes moins importantes que les business angels. Toutefois, ils ont tous pour objectif commun de vouloir à terme rentabiliser leur investissement et, ce en fonction des paramètres initiaux de négociation entre les parties.
Une fois votre activité lancée et votre produit adopté par vos premiers clients, votre recherche de financement s’apparente à du capital développement et doit favoriser la croissance de votre entreprise. Les prochaines levées de fonds impliqueront des tickets beaucoup plus importants et répondront aux étapes successives de développement :
- La série A a vocation à permettre à la start-up d’améliorer le produit et d’atteindre son seuil de rentabilité. Les premiers résultats en termes de chiffre d’affaires et de clients intéressés sont assez positifs et le business plan doit être prometteur. Le ticket maximum peut atteindre 3 à 5 millions d’euros.
- La série B a pour but d’élargir la portée commerciale du produit, souvent en renforçant les équipes. Le business plan est plus ambitieux et les fonds levés peuvent aller jusqu’à plusieurs dizaines de millions d’euros.
- La série C doit confirmer la position de leader sur le marché de l’entreprise, souvent en réalisant des opérations d’acquisition des concurrents, et ce, avant d’effectuer une éventuelle IPO. Le ticket est souvent très conséquent (entre 25 à 100 millions d’euros, voire d’avantage).
Vous l’aurez compris, la levée de fonds intervient à un moment clé du développement de votre entreprise. Pour qu’elle se déroule dans les meilleures conditions possibles, il faut vous y préparer.
Appréhender la levée de fonds : Comment s’y préparer ?
1/ Se connaître soi-même
Commencer un processus de levée de fonds demande du temps (entre 6 mois et 1 an) et c’est un véritable parcours du combattant.
Parmi les nombreuses entreprises innovantes qui sont au même stade de développement que vous, sachez que rares sont celles qui seront choisis par les fonds pour prendre une participation. En moyenne, les fonds réalisent 3 investissements par an.
Il est donc essentiel pour vous de travailler votre pitch. Vous devez connaître parfaitement les caractéristiques de votre produit, identifier votre besoin de financement et vos projets de développement et de croissance.
Vous devez également vous mettre en condition afin de pouvoir présenter votre projet dans le temps qui vous sera imparti le cas échéant : un pitch de 5 minutes sera différent d’un pitch d’une heure et ne contiendra pas le même degré d’information.
A cela s’ajoute le fait que chaque fonds a une politique d’investissement définie. Vous devez donc vous intéresser aux fonds qui seront pertinents, c’est-à-dire qui correspondront avec votre stade de développement, de maturité, et adapter votre discours à votre interlocuteur.
2/ Voir l’investisseur comme un futur associé
Le fonds d’investissement n’est pas un simple partenaire financier : c’est votre futur associé. C’est toute la différence avec un financement bancaire. Le concours financier dont vous allez bénéficier au terme de la levée de fonds n’est pas un prêt qu’il conviendra de rembourser, c’est une prise de participation du fonds.
Autrement dit, le fonds n’est pas un simple prêteur, il va investir l’argent promis en achetant des titres du capital et ainsi modifier l’actionnariat en devenant lui-même associé. Il faut donc bien comprendre qu’il participera également à la prise de décisions.
D’où l’importance de bien comprendre l’impact de la levée de fonds au sein de votre société.
La concrétisation de la levée de fonds : quels impacts ?
1/ La modification de la table de capitalisation
L’entrée au capital du fonds d’investissement va bouleverser la table de capitalisation. Les fondateurs généralement majoritaires perdent cette qualité et peuvent devenir minoritaires.
La table de capitalisation présente notamment la valorisation pré-money de la société, c’est-à-dire la valeur de l’entreprise déterminée par les fondateurs. A la différence, la valorisation post-money correspond à la valeur post augmentation du capital et entrée des investisseurs.
Par exemple, si une société est valorisée à 100 pré-money et que les investisseurs entrent pour 50 en augmentation de capital, la valorisation post-money sera de 150, soit une détention du capital à hauteur de 33,33% par les investisseurs.
Il faut donc bien identifier l’étendue de l’ouverture du capital social envisagée lors de la levée de fonds. La maîtrise du capital social peut se réaliser par l’émission d’instruments dilutifs (obligations convertibles, actions gratuites, BSPCE, etc.).
2/ La mise en place d’une nouvelle gouvernance
L’une des conditions de la levée de fonds va notamment être la mise en place d’un board, c’est-à-dire d’un organe décisionnaire. Cela permet au fonds d’avoir un droit de regard sur la gestion de la société, en instaurant une autorisation préalable du board avant toutes décisions importantes.
A cela s’ajoute généralement une obligation de reporting mensuel, trimestriel et annuel à destination du board afin que celui-ci soit tenue régulièrement informé des résultats de la société.
3/ L’importance du pacte d’actionnaires
L’entrée au capital des investisseurs implique nécessairement de rédiger un pacte d’actionnaires afin d’organiser les relations entre les associés.
La négociation du pacte est une étape importante du processus de la levée dès lors qu’elle va avoir une incidence sur l’avenir. Le pacte intégrera des clauses relatives aux transferts de titres (inaliénabilité et transferts libres), des clauses relatives à la sortie des fondateurs (tag & drag along, good & bad leaver) ainsi que pour permettre la sortie du fonds dans des conditions optimales (clause de liquidité).
La levée de fonds s’accompagne donc d’éléments techniques complexes, qu’ils soient d’ordre financier ou juridique. Il est donc mieux de se faire accompagner afin de sécuriser le processus.
L’importance de se faire accompagner : leveur ou avocat ?
Faire appel à un leveur pour pitcher son projet, vous introduire auprès d’investisseurs et favoriser la levée de fonds avec un spécialiste, est assez courant. Pour autant, la pertinence de cet accompagnement dépend de votre projet et n’est pas toujours forcément nécessaire.
Par exemple, certaines start-ups mettent en place des solutions très techniques et finalement, seuls leurs fondateurs sont capables de maîtriser véritablement le produit et de le présenter concrètement. Dans ce cas, faire appel à un coach sera plus pertinent : il permettra au dirigeant de prendre confiance et de faire passer son message de manière impactante.
A l’inverse, faire appel à un avocat s’avère indispensable car la réalisation de la levée de fonds implique beaucoup de documents juridiques avec des termes assez techniques (LOI, term sheet, pacte d’associés, etc.).
Les fondateurs doivent être conseillés pour comprendre et négocier ce qui peut l’être. L’avocat va s’assurer qu’ils ont les clés en mains pour réussir leur levée de fonds et qu’ils cernent les enjeux de l’entrée au capital du fonds.
De plus, chaque avocat a un domaine de spécialité dans lequel il excelle. Il est réellement important de faire appel à un professionnel qui connaît le sujet, qui a déjà travaillé dans le cadre de levée de fonds et bien sûr, dans lequel on a confiance.
L’avocat veille à ce que la procédure se passe au mieux, dans l’intérêt de son client. Ce dernier peut alors se concentrer sur des tâches à forte valeur ajoutée comme le développement de son produit.