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Qu’il s’agisse de votre première levée de fonds ou de la troisième, le pacte d’associés reste un document juridique indispensable. Il est primordial de comprendre les différentes clauses qui le composent et d’en saisir les impacts. Maître Hossenbaccus décrypte pour vous l’importance du pacte d’associés dans la procédure de levée de fonds et vous livre ses conseils exclusifs pour bien le négocier.

L’entrée d’un nouvel associé : comment appréhender ce bouleversement ?

Une levée de fonds aboutit nécessairement à l’entrée d’un ou plusieurs investisseurs au capital de votre société. Il est important de ne pas oublier qu’au-delà des fonds qu’ils vont investir, ils seront désormais impliqués dans votre société.

J’insiste vraiment sur ce point car lorsque l’on parle de “levée de fonds” on pense d’abord à l’aspect financier au détriment souvent de l’aspect humain qui l’accompagne.

En effet, que ce soit dans une société de capitaux (de type SA-SAS) ou dans une société de personnes (SARL), l’affectio societatis, c’est-à-dire la volonté de s’associer dans un but commun, anime chaque associé, qu’ils soient fondateurs ou investisseurs. Le relationnel tient une place importante.

L’arrivée d’un ou plusieurs associés dans le cadre d’une levée de fonds va donc nécessairement impliquer un partage du capital social entre tous les associés. Pour autant, il ne faut pas oublier que la société a été constituée et portée par le fondateur, que ce dernier a créé un produit ou service auquel il tient. Le but n’est pas que les nouveaux associés ralentissent son développement ou en prennent le contrôle.

Dans ce contexte particulier, la procédure de levée de fonds va permettre progressivement d’appréhender ce bouleversement. La LOI (Lettre d’intention) et le term-sheet du pacte vont être le fondement de cette relation future.

  • La LOI ou « letter of intention » est un document de 3-4 pages qui va décrire le fonds d’investissement, la société cible et la raison pour laquelle le fonds trouve un intérêt à investir dans la société cible.
  • Le term-sheet du pacte va être plus conséquent, une dizaine de pages environ, et contenir les conditions de la relation future.

Ces documents sont produits et communiqués entre les parties au moment des négociations. Cela va permettre d’avoir une idée plus ou moins précise de la teneur de la relation.

C’est véritablement l’occasion pour les dirigeants de la société et en particulier les fondateurs de se demander ce qu’ils sont prêts à concéder au fonds d’investissement en termes de capital mais également ce que cela implique sur le long terme.

Le pacte d’associés est le document central de la levée de fonds car il permet d’organiser la gouvernance de la société, de sécuriser le transfert des titres, de prévoir la sortie du fonds et de définir certains engagements spécifiques. 

Organiser la gouvernance de la société : quelles précautions  prendre ?

Le pacte va contenir un volet gouvernance afin d’organiser la direction de la société et la prise de décision.

La direction de l’entreprise

Quel que soit le montant du ticket investi par le fonds ou le pourcentage de capital qu’il détiendra, il n’a pas vocation à se substituer au(x) dirigeant(s) actuel(s). L’objectif n’est pas de se séparer des fondateurs qui représentent l’image du produit et véhiculent les valeurs qui ont gagné la confiance du fonds.

Pour autant, le fonds d’investissement va tenter de poser certaines limites à leur pouvoir de direction, notamment à travers des clauses de révocation ad nutum, c’est-à-dire sans faute, sans préavis et souvent, sans indemnité.

En tant que dirigeant fondateur, il faut bien faire attention à la rédaction de ce type de clause et veiller à ce que le fonds ne puisse pas vous évincer de la société du jour au lendemain sans raison.  Il faut vous protéger et négocier la possibilité de n’être révocable qu’à condition de rapporter la preuve d’une faute grave ou lourde que vous auriez commise par exemple.

Cela se négocie assez bien car les dirigeants sont des hommes clés de la société. L’objectif du fonds d’investissement n’est donc pas de s’en séparer mais de miser sur leur motivation pour développer le produit ou service de la société et réaliser une plus-value.

C’est parce que les dirigeants ont un rôle important à jouer que leur éventuel départ de la société est d’ailleurs couvert par des clauses de good et bad leaver. La clause de good leaver permet de racheter les titres détenus par le fondateur au prix du marché (en cas de départ non fautif). A l’inverse, la clause de bad leaver reprend les titres à un prix décoté si le départ du fondateur est considéré comme fautif (révocation, licenciement pour faute, démission non agréée).

La prise de décisions importantes

A la suite d’une levée de fonds, les dirigeants de la société ne sont désormais plus seuls maîtres à bord et ils doivent composer avec un nouvel associé (le fonds d’investissement) qui a un objectif financier. C’est souvent ce qui est difficile à accepter pour certains dirigeants.

De manière proportionnelle, plus le fonds va investir une somme importante, plus il négociera un droit de regard important. Cela se traduit par la création d’un board (un conseil ou comité de surveillance par exemple) dont l’autorisation préalable devra être recueillie avant la prise de certaines décisions stratégiques (les décisions « importantes » ou « essentielles »).

Le pacte d’associés va définir les règles de fonctionnement de cet organe, notamment, la composition, le quorum et la majorité requise pour la prise de décision. Il va énumérer les décisions soumises à cette autorisation préalable des investisseurs. Il s’agira le plus souvent des décisions impliquant des investissements financiers importants, des opérations de haut de bilan, etc.

La rédaction de la clause doit être précise car une rédaction trop large pourrait soumettre à autorisation préalable tout type de décision. Il est donc important de donner au fonds le moins d’importance possible dans le processus de prise de décision pour éviter d’être bloqué. Par exemple, il serait absurde pour une start-up qui investit régulièrement 200.000 euros pour développer son produit de soumettre à autorisation préalable tout investissement de plus de 100.000 euros car elle devra systématiquement se tourner vers le board. Cela impliquerait une grande perte d’autonomie pour la société.

Sécuriser le transfert des titres

L’entrée du fonds au capital marque le début d’une relation entre associés qui va durer plusieurs années. Le maintien de l’actionnariat tel qu’il est composé à l’origine est important pour le fonds. C’est un moyen pour l’investisseur de se prémunir d’une éventuelle vente des titres des fondateurs. En effet, si le fondateur se sépare de tous ses titres et perd sa qualité d’associé, il faudra composer avec une nouvelle personne. S’il n’en vend qu’une partie et se retrouve minoritaire, c’est alors le risque de le voir moins impliqué dans le projet.

Pour pallier à ce risque, il est important de prévoir dans le pacte d’associés une clause d’inaliénabilité des titres pendant une période qui peut aller de 2 à 3 ans. Les associés ne pourront pas céder leurs titres durant cette période.

Des exceptions sont néanmoins admises :

  • Des « transferts libres » peuvent être autorisés. Ce sont par exemple les cessions à une holding patrimoniale pour les personnes physiques, ou à une filiale pour les personnes morales.
  • Un « droit de respiration » peut être accordé aux fondateurs, c’est-à-dire qu’ils pourront céder jusqu’à 10% des titres qu’ils détiennent mais pas au-delà.
  • Les titres peuvent être cédés en application de certaines promesses de vente, comme les promesses dites good et bad leaver comme évoquées précédemment.

Au-delà de l’inaliénabilité, d’autres clauses viennent encadrer la cession des titres :

  • Un droit de préemption peut être accordé aux associés, ce qui leur permet de racheter les titres d’un associé sortant en priorité face aux tiers, et ainsi se prémunir de l’arrivée soudaine d’un nouvel actionnaire.
  • Une procédure d’agrément permettra de soumettre l’entrée d’un nouvel associé à l’autorisation préalable des associés préexistants.
  • Le droit de sortie conjointe va permettre aux associés de vendre leurs titres dans les mêmes conditions qu’un associé cédant.

Ces clauses peuvent faire l’objet de négociation avec le fonds d’investissement mais chaque associé doit bien les comprendre. C’est à cette occasion que le conseil d’un avocat  s’avère pleinement utile car ces clauses sont généralement assez spécifiques, et leur langage parfois subtile.

Prévoir la sortie du fonds d’investissement

C’est l’étape à ne pas manquer dans le cadre d’une levée de fonds et plus particulièrement, dans la rédaction du pacte d’associés !

La levée de fonds que vous êtes en train de réaliser ne sera certainement pas la dernière ! Il est donc primordial de prévoir la sortie du fonds, sauf à se retrouver dans une situation de blocage au niveau de l’actionnariat.

En effet, il est possible qu’un fonds n’accepte pas de rentrer si le premier ne sort pas. C’est le risque pour vous d’avoir passé du temps à négocier pour trouver un nouvel investisseur qui in fine ne voudra pas aller plus loin. C’est toute l’importance de l’obligation de sortie conjointe (ou drag along) dans les pactes d’associés. Cela va permettre d’obliger tous les associés à céder leurs titres si une offre d’achat de 100% du capital est accepté par la majorité des associés (en général, aux alentours de 60%).

Or, sauf réalisation d’un leverage buy out (LBO), le fonds d’investissement est généralement minoritaire : il sera donc possible de s’en séparer sans trop de difficulté.

Encore une fois, il ne faut pas non plus oublier qu’un fonds d’investissement n’a vocation à rester que quelques années au sein d’une société. Dans cette optique, une clause de liquidité est généralement insérée dans le pacte. A travers cette clause, les associés prévoient que dans X années, ils discuteront ensemble dans l’optique de permettre au fonds de sortir dans des conditions favorables.

3 conseils à ne pas oublier

Pour finir, la négociation de votre pacte doit être menée sans perdre de vue ces 3 mots d’ordre :

1 / Négociation & Dialogue

  • La négociation est la première étape de votre collaboration. Si elle ne se déroule pas dans l’écoute et la compréhension des volontés de chacun, si elle est conflictuelle, il y a de fortes chances que la relation d’affaires démarre du mauvais pied.
  • Tout est négociable : il ne faut pas avoir de crainte de dire que telle clause ne vous convient pas. Pour cela, se faire accompagner par un avocat qui comprend cette documentation juridique mieux que personne est un atout à ne pas négliger.

2 / « Petites clauses » et engagements spécifiques

  • Chaque clause du pacte a son importance, que cela concerne la durée du pacte ou de la période d’inaliénabilité des titres, ou encore la clause relative à la loi applicable ou à la confidentialité.
  • Les engagements spécifiques sont, par exemple, les engagements de non-concurrence et de non-sollicitation qui visent généralement les fondateurs. Elles s’appliquent souvent lorsque les fondateurs ne sont plus mandataires ou salariés de la société, et ce pendant une durée de 12 à 24 mois après la cessation des fonctions. Il faut négocier la durée, la portée de la clause mais également une indemnisation financière face à de telles contraintes.

3 / Rédaction & précision

  • Attention à l’interprétation ! Une clause mal rédigée peut donner lieu à diverses interprétations. Par exemple, la promesse de vente des titres d’un fondateur peut préciser que si le fondateur viole de façon significative le pacte, il sera contraint de vendre ses titres au fonds. Mais qu’est-ce qu’une violation significative ?
  • Une erreur dans la rédaction du pacte, un conflit d’interprétation entre les parties et une situation de blocage peut naître. A défaut d’entente entre les parties, le tribunal livrera son interprétation et cela peut prendre un certain temps avant de permettre de résoudre le litige.

Que vous envisagiez d’augmenter votre capital en faisant appel à un business angel (une personne qui investit à titre individuel dans votre société), à votre famille et amis (Love Money), ou dans notre exemple à à un fonds d’investissement, cette procédure reste très technique.

Il est très important de se faire accompagner par un avocat spécialisé, qui a l’habitude de rédiger la documentation juridique d’une levée de fonds et d’échanger avec des fonds d’investissement.

C’est aussi la garantie pour le dirigeant de ne pas commettre d’erreur qui risquerait de l’évincer de sa position au sein de sa société.

L’avocat se charge de tout, et le client peut se concentrer sur sa réelle valeur ajoutée : la gestion et le développement de sa société.

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