Levée de fonds : les 3 étapes où tout se joue
La procédure de levée de fonds et les premières négociations imposent de passer par plusieurs étapes :
- concevoir le projet et se poser les questions clés,
- formaliser le projet sous une forme adaptée pour convaincre les investisseurs,
- identifier les fonds d’investissement intéressants,
- approcher les bonnes personnes au sein de ces organisations,
- assurer la confidentialité des échanges en employant les bons moyens,
- rédiger toute la documentation juridique,
- organiser l’assemblée générale pour acter de l’augmentation de capital,
- enregistrer les formalités auprès du greffe compétent (statuts, publication dans un journal d’annonces légales),
- etc.
Toutefois, si je devais retenir les trois phases réellement importantes de la levée de fonds, je citerais en premier lieu la préparation et la structuration du projet.
Avant de commencer ce long processus de la levée de fonds, vous devez vous interroger et vous poser les bonnes questions afin de vous mettre en mesure de structurer votre projet. Il vous faudra entre autres préparer soigneusement le discours que vous aurez à répéter devant chaque nouvel interlocuteur. Vous avez tout intérêt à vous mettre en capacité de présenter votre projet dans différents contextes : en un pitch de 3 minutes, de 10 minutes ou de 30 minutes et de savoir donner le bon niveau d’informations à chaque fois, tout en étant impactant.
Ce travail d’analyse que vous allez faire en amont constitue l’étape indispensable pour présenter au mieux votre projet et être prêt face aux questions de vos potentiels investisseurs. Vous devez avoir pris le temps de répondre aux questions clés. :
- Pourquoi ai-je besoin d’une levée ?
- Pourquoi faire cette levée maintenant ?
- Quel type de financement choisir ?
- Où trouver le bon investisseur ?
- Le marché offre-t-il une large opportunité de développement ?
- Quels sont les potentiels risques du marché ?
- Quel est mon projet à court, moyen et long terme ?
- Comment le capital investi sera utilisé et quels sont les objectifs à atteindre ?
- En quoi mon entreprise et mon produit se distinguent-ils des autres ? Quel est son positionnement sur le marché ? Quelle est sa plus-value ?
- Est-ce que les projections financières de mon entreprise sont réalisables ?
- Est-ce que mon équipe est suffisamment structurée et prête à recevoir une levée ?
Deuxième étape clé qui mérite votre attention : la recherche des investisseurs. Ce n’est qu’une fois que le projet sera structuré et mis par écrit que vous pourrez commencer l’étape de démarchage des fonds d’investissement et des Business Angels. Bien entendu, les connaissances, les proches et l’entourage constituent aussi une potentielle source de soutien financier : on parle dans ce cas de “Love Money”.
Dès qu’un premier fonds d’investissement est sélectionné, l’échange et les premières négociations peuvent commencer. C’est le troisième point qui vous demandera de la vigilance. Pendant la conversation qui va s’engager entre vous et les fonds d’investissement, il s’agit de ne pas se précipiter, quand bien même le secteur “se développe rapidement” et “demande une forte réactivité”. N’allez pas trop vite, faites attention à ce qui vous est proposé et à ce que vous allez potentiellement signer.
Pour réussir chacune de ces trois étapes, il est nécessaire de bien s’entourer.
La structuration du projet, le démarchage et les négociations nécessitent le plus souvent de faire appel à un conseil : de trouver un professionnel qui saura vous accompagner au mieux et attirer votre attention sur les pièges, les écueils ou les risques de votre projet. Parmi les options à votre disposition, il peut être intéressant de se rapprocher d’un fiscaliste, d’un avocat en droit social – pour toutes les questions liées aux salariés – ou encore d’un conseiller financier. Ce dernier pourra notamment examiner et vous conseiller sur les propositions chiffrées telle que la valorisation de la société par exemple. Il n’est pas rare, en effet, que les fonds d’investissement échouent à valoriser correctement la société au regard de son secteur d’activité.
Il est donc très important de choisir les bons interlocuteurs et surtout de garder en tête qu’in fine le fonds d’investissement est amené à quitter un jour la société.
Certes, l’investisseur est là pour soutenir la croissance de votre société, mais ne perdez pas de vue que son objectif final est de dégager une plus-value et de profiter autant que possible d’un retour sur investissement.
Le pacte d’associés doit donc être rédigé de façon à garantir la gestion de cette plus-value et organiser la sortie de l’investisseur, sortie qui ne doit pas être de nature à créer des blocages.
Les clés pour réussir une levée de fonds aujourd’hui
Si je ne devais donner que 3 conseils pour organiser et gérer sereinement une levée de fonds, je me concentrerais sur ces 3 éléments.
1/ Trouver le bon équilibre
Tout d’abord, trouver le bon équilibre entre le montant que l’on voudrait voir investi dans sa société et le capital social que l’on est prêt à concéder à l’investisseur.
Si votre investisseur demande d’emblée 50% de la société, refusez !
Il faudrait concéder une quote-part du capital social en faisant attention à la structuration. A vous de vous poser les bonnes questions : est-ce qu’avec les parts concédées, l’investisseur pourra bloquer des prises de décisions ? Risquez-vous d’être évincé de l’entreprise ?
A noter qu’en parallèle, le fonds demande souvent à avoir un droit de regard sur un certain nombre de décisions, que l’on appelle communément “les décisions importantes”. Pour cela, il crée ce que l’on appelle un “board”, un comité stratégique ou un comité de supervision.
L’investisseur peut alors demander par exemple de posséder un droit de véto pour tout investissement supérieur à un certain montant, par exemple 10 000 euros. Cela vous impose de recueillir son accord dès que la situation se présente. Vous risquez dans ce cas de vous retrouver dans des situations de blocages et perdre une grande part de liberté dans la prise de décisions concernant votre société.
2/ Les clauses qui méritent une 2ème relecture
Deuxième conseil : attention aux clauses qui seront négociées lors de vos échanges, notamment la clause d’exclusivité.
Il n’est pas rare, lors des premières discussions avec un fonds, que celui-ci tente de vous imposer l’interdiction d’échanger avec un autre fonds durant une période donnée (1 mois, 2 mois…). Or, pour une startup en recherche de financement, deux mois est une longue période… Ce sont des clauses qu’il ne faut pas accepter aveuglément, du moins pas tant que les discussions ne sont pas plus poussées.
3/ Attention aux termes et conditions de la LOI et du term sheet
Enfin, mon dernier conseil est d’accorder toute l’importance due à la LOI (= Letter of Intent / Lettre d’intention) et au term-sheet. Ces deux documents vont formaliser les fondements de votre relation avec les investisseurs, à commencer par la manière dont les parties devront se comporter.
L’entrée d’un fonds d’investissement dans le capital de votre société marque le début d’une relation qui devrait durer plusieurs années. Un fonds restera au minimum 3 ou 4 ans et au plus 6 ou 7 ans. C’est une vraie participation, une vraie implication qu’il faut encadrer et préparer au mieux.
Focus : la lettre d’intention (LOI) et le term-sheet
La LOI et le Term-sheet expliqués simplement
Ces deux documents vont de pair. La LOI est un document de 3-4 pages qui va décrire le fonds d’investissement et la société cible, c’est à dire votre société, celle destinée à recevoir les fonds. Il présente également l’intérêt et la raison pour laquelle le fonds souhaite investir dans votre société.
C’est dans cette lettre que l’on peut notamment trouver une clause d’exclusivité ou encore des conditions dites “suspensives”. Ces dernières signifient que l’investissement ne pourra être déclenché qu’après la réalisation d’un évènement, comme par exemple la validation d’un audit satisfaisant.
C’est généralement en annexes de cette LOI que l’on trouve le term-sheet du pacte. Ce document a pour finalité de tracer en 5-10 pages les grandes lignes du pacte d’associés : le document qui formalisera toutes les conditions de la relation entre les associés et notamment le fonds.
Lors de quels types de levées ces documents sont-ils indispensables ?
Ces documents ne sont pas forcément obligatoires s’il s’agit de levées à hauteur de 100 000€ ou 200 000€. La société peut partir directement sur un pacte d’associés. Dans ce cas, le projet de pacte d’associés est généralement rédigé par l’avocat (ou le conseil juridique) qui accompagne la société qui cherche à lever des fonds. Le pacte d’associés est un document essentiel lors d’une levée de fonds.
En revanche, ils se révèlent indispensables pour les levées qui s’élèvent à 10 millions, 15 millions d’euros ou encore pour les levées plus conséquentes comme les LBO (Leverage by-out).
Une fois la LOI et le term-sheet de pacte rédigés, un audit est parfois réalisé. C’est à l’issue de cet audit qu’une offre ferme d’investir peut être faite par le fonds à la société cible. Dès lors que l’offre ferme d’investir est communiquée, la lourde étape de rédaction de la documentation juridique commence.
Attention toutefois à ne pas minimiser la complexité des levées de 100 000 à 200 000 euros.
Prenons l’exemple d’un dirigeant de société qui a bénéficié d’un investissement de 200 000 euros, mais n’a rédigé aucun pacte, aucun term-sheet. Supposons qu’il ait négocié pour conserver la majorité des parts, et que le fonds d’investissement ne dispose d’aucun droit de regard sur les décisions prises.
Ces conditions semblent avantageuses pour le dirigeant, n’est-ce pas ? L’investissement se fait aux risques et périls du fonds. Le dirigeant gère et investi comme il l’entend ces 200 000 euros. Il n’a aucun compte à rendre.
Mais que se passera-t-il si demain un nouveau fonds souhaite investir 1 million, 2 millions ou plus encore, à condition que le premier fonds quitte la société ? Cela signifie que votre société grandit, est en pleine croissance et séduit les investisseurs, mais finalement se retrouve dans une situation de blocage. Sans organisation au préalable, il n’y a aucun moyen pour gérer la sortie du fonds initial. Le dirigeant ne dispose d’aucune solution pour se sortir de cette situation.
C’est pourquoi la rédaction d’une LOI et d’un term-sheet est fondamentale. Les mentions et clauses qui vont y figurer méritent toute votre attention.
Les pièges à éviter dans la rédaction de ces deux documents
Commencez déjà par vous poser ces questions.
- Est-ce que la LOI mentionne une offre ferme d’investir ?
- Si ce n’est pas le cas, quelles sont les conditions suspensives qui en découlent ?
- Existe-t-il une clause d’exclusivité ?
- Comprendre l’impact de la dilution (comprendre la répartition finale du capital social post levée)
Le term-sheet, quant à lui, fera sans doute apparaître des droits de préemption, des droits de sortie conjointe, des clauses de drag along (= clause de sortie forcée), de liquidité, la liste des décisions soumises au board, etc. Il est primordial de lire attentivement l’ensemble des clauses inscrites et d’en comprendre tous les impacts et conséquences qui en découlent.
Autre sujet à ne pas oublier pour le Président de la société : ses conditions de révocation.
Il faut vous protéger ! Pour cela, vous pouvez par exemple prévoir l’impossibilité d’être révoqué pendant 3 ans. Ou de n’être révoqué qu’à condition d’avoir commis une faute grave ou lourde (et dans ce cas encore faut-il que l’organe social décisionnaire puisse en apporter la preuve).
Enfin, vous pouvez également faire en sorte de détenir 60% des parts/actions de votre société et mettre ainsi en place une majorité, vous laissant maître dans les prises de décisions.
Ces points se négocient assez facilement pour les startups. Pourquoi ? Parce qu’en général l’investisseur souhaite investir seulement aux alentours de 10% du capital. De plus, dans les jeunes startups, la personnalité et les valeurs du Président (souvent fondateur (-trice) ou co-fondateur (-trice) de la société) tiennent un rôle important dans le bon développement de la société. La confiance du fonds repose sur le produit et le Président. L’objectif n’est donc pas de s’en séparer mais de lui donner une chance dans le développement de son projet et d’en tirer in fine une plus-value.
En revanche, dans le cadre d’un LBO, ou d’une opération plus importante, la société peut fonctionner sans son Président. Ce dernier doit alors prendre des mesures pour s’assurer de ne pas se retrouver hors de la société, ou si tel est le cas de partir avec des indemnités et surtout faire en sorte que ses titres lui soient rachetés à la valeur du marché.
D’où l’importance de se faire accompagner…
C’est l’une des raisons pour lesquelles il est si souvent déconseillé de se lancer seul dans ce type d’opérations.
Ne serait-ce qu’en raison de la complexité de la rédaction de ces documents. Tous les avocats ne sont pas égaux en terme d’expérience et cette discipline est particulièrement tortueuse : le langage est tellement complexe, que même pour des avocats expérimentés, il est parfois difficile de bien interpréter les termes employés.
Il est par exemple courant de lire un passage dans la lettre d’intention qui rappelle le souhait ardent du fonds d’investir dans la société. Et pourtant, quelques pages plus loin, il n’est pas rare de voir apparaître des conditions suspensives soumettant la réalisation de l’investissement à l’élaboration d’un évènement tel qu’un audit : “sous réserve d’un audit satisfaisant”. Mais satisfaisant pour qui ? Que signifie exactement ce terme ? Quelles sont les conditions permettant d’assurer qu’un audit sera jugé satisfaisant ou non.
L’interprétation est finalement très subjective et constitue un levier permettant au fonds de sortir du deal assez librement et parfois au dernier moment.
Le fonds peut se justifier d’une façon assez simple. Un procès verbal d’assemblée non signé et l’audit peut être qualifié d’insatisfaisant par le fonds qui en profitera pour se retirer du deal.
En parallèle, les discussions étant avancées, la société aura sans doute signé une clause d’exclusivité l’empêchant de lancer des discussions auprès d’autres fonds durant une période donnée. Résultat : plusieurs mois de perdus et beaucoup d’énergie investie pour une startup dont le besoin de financement nécessite souvent d’aller vite.
Ces deux documents sont complexes par essence. Il sont rédigés dans un autre langage, le langage juridique avec lequel il faut être familier si l’on veut avoir une chance d’éviter les pièges.
Comment choisir le bon avocat pour être accompagné ?
Vers quels types de profils et de spécialités se tourner ?
Le choix du conseil juridique constitue donc une étape importante. Quel interlocuteur, quel professionnel sera en mesure de vous accompagner et défendre au mieux vos intérêts ?
Tous les avocats ne sont pas égaux sur le sujet de la levée de fonds.
Prenons l’exemple d’un avocat spécialisé dans les contrats commerciaux. La rédaction de pacte d’associés, de LOI ou de term-sheet ne fait pas partie de ses missions quotidiennes. Bien que la procédure de levée de fonds reste tout à fait accessible aux avocats de manière générale, gardez en tête qu’un avocat spécialisé aura une plus-value certaine. Celle de travailler régulièrement sur ce type de documents et d’échanger avec des fonds d’investissement. Il connaît les codes et sait repérer facilement les pièges à éviter.
Sans compter que ce type d’opération de levée de fonds est en général rendue publique par les startups. C’est donc aussi un avantage en terme de crédibilité et de notoriété que de pouvoir citer un avocat spécialisé et reconnu dans ce domaine.
Quel sera concrètement le rôle de l’avocat pendant la levée de fonds ?
Je ne peux pas parler pour mes confrères, mais voici la méthodologie que nous utilisons dans notre cabinet.
Le client qui vient me voir a généralement déjà une LOI en main, même si ce n’est pas obligatoire (nous pouvons très bien accompagner de zéro). Je la relis, lui explique les raisons pour lesquelles il serait bon de modifier telle ou telle clause. Je lui explique ce qu’implique cette lettre (s’il s’agit d’une offre ferme ou soumise à conditions), l’interroge sur le stade des discussions. Est-ce qu’un audit est envisagé ? Est-ce qu’un term-sheet a déjà été évoqué ? Etc.
La rédaction du term-sheet est ensuite réalisée par moi-même (avocat de la société) ou par l’avocat du fonds. Une fois le document commenté par les parties, un éventuel audit est réalisé avant de laisser place à l’offre ferme d’investir. Commence alors la rédaction de la documentation juridique. Je suis dans ce cas en lien direct avec l’avocat du fonds. Mon client est en copie et est sollicité uniquement pour les prises de décisions.
L’objectif est d’accompagner au mieux le client, lui permettre de se concentrer sur sa valeur ajoutée en tant que dirigeant et refléter à 100% sa volonté exprimée dans la LOI et le term-sheet de pacte.
Ce qui surprend le plus nos clients : la quantité de paperasse impliquée
C’est l’accumulation de ces étapes et démarches qui surprend le plus mes clients : la masse de paperasse, le nombre d’échange de mails, la longueur des négociations et des réunions…
C’est finalement le fait d’avoir trouvé le bon interlocuteur pour les accompagner et d’avoir une bonne relation qui fait que nos clients restent confiants.
Une fois que la société a trouvé le fonds d’investissement, l’avocat se charge de tout et le dirigeant peut se concentrer sur la gestion de sa société. C’est justement pour cela que le client vient à nous. Nous sommes la sécurité qui lui garantit qu’il n’aura pas à s’inquiéter de tomber dans un piège ou de commettre une erreur. Le dirigeant a juste à prendre connaissance des mails clés de synthèse que nous lui envoyons afin de suivre l’état d’avancement de la procédure.